OrangeConnect est une bibliothèque digitale de Vanden Broele

Gestation pour autrui : la paternité du mari de la gestatrice peut être contestée

La présomption de paternité du mari peut être contestée en cas de gestation pour autrui par une femme mariée, lorsqu’elle et son mari n’ont pas de projet parental à l’égard de l’enfant, a jugé la Cour constitutionnelle le 30 mars.

La Cour était interrogée par le tribunal de la famille du Tribunal de première instance de Liège.

L’affaire

Deux hommes en couple désirant avoir un enfant ont recouru à une gestation pour autrui (GPA). Dans l’utérus de la gestatrice, la sœur de l’un des deux hommes, ont été implantés des ovocytes d’une donneuse anonyme fécondés avec les spermatozoïdes de l’autre homme. Comme la gestatrice est mariée, son mari est légalement présumé être le père de l’enfant.

L’homme qui est le père biologique a contesté devant le tribunal la paternité du mari de la gestatrice, et a demandé que sa propre paternité soit établie. À l’audience, les parties ont indiqué avoir marqué leur accord sur la GPA.

Le tribunal a estimé que l’action se heurtait à une cause d’irrecevabilité : selon l’article 318, § 4, de l’ancien Code civil, la présomption de paternité du mari ne peut pas être contestée lorsqu’il est considéré que le mari a consenti à l’insémination artificielle de son épouse ou à un autre acte ayant la procréation pour but. Le tribunal a demandé à la Cour constitutionnelle si cette disposition était compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination (articles 10 et 11 de la Constitution) et avec le droit au respect de la vie privée et familiale (article 22 de la Constitution et article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme).

L’arrêt de la Cour

La Cour ne s’est pas prononcée sur la GPA en tant que telle, celle-ci n’étant pas  réglementée en droit belge. Elle a rappelé qu’en l’absence de cadre légal spécifique, les règles du droit commun en matière de filiation s’appliquent à l’enfant né d’une GPA : la gestatrice, qui accouche de l’enfant, est la mère légale et, si elle est mariée, son mari est le père légal. Elle a aussi souligné que tout contrat visant à lier les personnes impliquées dans une GPA est illicite, ne produit aucun effet juridique et ne peut faire l’objet d’aucune exécution forcée.

Parmi les arguments de la Cour :

  • dans le cas d’une GPA réalisée par une gestatrice mariée, ni la gestatrice, ni son mari n’ont de projet parental à l’égard de l’enfant ;
  • le mari ne dispose d’aucun droit sur la personne et le corps de son épouse ;
  • élargir ce consentement du mari à la situation d’une GPA qui a été effectuée par une gestatrice mariée pour réaliser le projet parental d’une autre personne entraînerait une ingérence injustifiée dans la vie privée du mari de la gestatrice, du père biologique et de l’enfant.

Elle conclut que l’article 318, § 4, de l’ancien Code civil est inconstitutionnel. La présomption de paternité du mari peut être contestée à condition que la gestatrice et son mari n’aient pas de projet parental à l’égard de l’enfant : c’est ce que le tribunal doit vérifier dans chaque cas concret.

Le père biologique va donc pouvoir poursuivre la procédure pour la reconnaissance de sa paternité.

L'arrêt peut être consulté ici.

Art. 318, §4 Code civil

La demande en contestation de la présomption de paternité n'est pas recevable si le mari a consenti à l'insémination artificielle ou à un autre acte ayant la procréation pour but, sauf si la conception de l'enfant ne peut en être la conséquence.

Partager cette actualité sur LinkedIn
Partager cette actualité sur Facebook
Partager cette actualité sur Twitter
Envoyer cette actualité par e-mail

Toutes nos actualités dans votre boîte mail ?

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et restez informé(e) de l'actualité pertinente, des nouvelles réglementations, des formations à ne pas manquer, etc.